Abus hiérarchiques : On réforme la police ?
Notre président Emmanuel Macron nous a invité à échanger autour d’un #GrandDebat pour les deux prochains mois. Parmi les thèmes suggérés, nous avons « Comment faire évoluer l’organisation de l’État et des services publics ? »
Penchons-nous donc sur le sujet. 🙂
La police, un des principaux services publics à reformer ?
À l’heure où de nombreux citoyenne⋅s sont choqué⋅e⋅s du recours excessif à la force de la part de la police, sous prétexte de « maintenir l’ordre », peut-on continuer à se sentir en sécurité d’exprimer ses désaccords ?
D’autre part, lorsque le taux de suicide alarmant dans la police continue à la fois à être dénoncé et mise en sourdine depuis plusieurs années, peut-on penser qu’il est actuellement possible d’exercer sainement ce métier ?
Témoignage du syndicat de police VIGI :
Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat de police VIGI nous offre un courageux témoignage, très éclairant sur l’étau dans lequel les gardiennes et gardiens de la paix se trouvent. Voici quelques extraits :
> Quelles sont vos conditions de travail ?
La grande majorité des collègues travaillent en 4-2 (4 jours travaillés, 2 jours de repos), ce qui leur fait un week-end sur 6 et jamais les mêmes jours de repos dans la semaine. Ça veut dire que ça leur brise toute vie sociale, toute vie familiale
( -> Impossibilité de prendre du recul, pourtant essentiel)
> Comment est géré le conflit en France ?
Dans les pays du Nord, on accompagne le mouvement et on sanctionne individuellement les fauteurs de troubles dans les manifestations.
En France, nous sommes dans une gestion de la foule, ce qui fait forcément des dommages collatéraux.
On est dans une escalade de la violence voulue par la doctrine du maintien de l’ordre actuelle en France
> Il y a-t-il une perte de sens ?
On est sur de la communication politique répressive, nos collègues n’en peuvent plus d’être détournés de leurs missions.
(Ils et elles ont signé pour être gardiens et gardiennes de la paix, pas l’instrument des politiques au pouvoir)
Quand un policier rentre dans la police nationale, à l’heure actuelle, il a 10 fois plus de chance de mourir de sa propre main que d’un criminel. L’institution a su nous protéger des criminels et des délinquants, mais pas d’elle-même.
> Quelle protection il y a-t-il quand on dénonce les abus ?
M. Géant a enfin été condamné à un an de prison pour détournement de fond quand il était directeur général de la police national, cela à pris 15 ans. Pour virer un fonctionnaire récalcitrant, il leur faut 5 minutes.
L’Inspection Générale de la Police Nationale est contraire au droit européen, […] la police n’a pas le droit d’enquêter sur elle-même.
(Devrions-nous davantage miser sr l’Union Européenne pour nous protéger de l’organisation archaïque des nations et des abus de pouvoirs ?)
Contre qui porter plainte ?
Alexandre Langlois nous invite d’ailleurs à porter plainte non pas contre des policier⋅e⋅ s en particulier, mais contre X, pour que leur hiérarchie puisse justement être impliquée et que la donne change enfin.
Trop souvent utilisé⋅e⋅s comme des pions, les policiers et policières ne disposent en général pas de toutes les informations nécessaires pour analyser correctement la situation pour laquelle on les a missionné, et savoir si leurs actions sont justes ou non. Seule leur hiérarchie (au plus haut point le ministère de l’intérieur et l’Élysée) a, elle, accès à l’ensemble des données et décident de l’action a mener.
Une police au service du peuple ou de ses représentants ?
En enquêtant et en analysant les rapports de l’État et de la police via l’affaire Benalla cet été, les journalistes ont permis de mettre grand jour plusieurs dysfonctionnements et abus de pouvoir que notre société n’est tout simplement plus prête à tolérer.
Jérémy Robine, maître de conférences à l’Institut français de géopolitique, approfondissait d’ailleurs la critique pour dénoncer « l’idée que les gouvernements français successifs et la haute hiérarchie policière se font du rôle et des missions de la police« . Il démontrait la persistance d’une police d’État (au détriment d’une police qui protège ses citoyens) et soulignait qu’ « en démocratie, la police devrait plutôt obéir à des magistrats qu’au gouvernement ».
La police devrait-elle en effet répondre à un agenda politique ? En quoi notre sécurité quotidienne devrait-elle être liée à l’orientation politique du gouvernement ? Ne devrions-nous pas en effet envisager une police indépendante de tout parti politique et vote électoral ? Ne serait-ce-t-il pas le seul moyen de sortir la police du paraître pour la rendre plus efficace ?
Bien sûr, il nous faut garder le moyen de contrer le pouvoir policier pour éviter les dérives. Mais ne serait-il pas plus judicieux de partager ce contrôle via un organisme composé de personnes de tous bords (société civile et magistrat⋅e⋅s) ?
Où en est-on réellement de la séparation de pouvoirs censée être le pilier de notre République ?
Intégralité du témoignage d’Alexandre Langlois :