Femme promue, femme suspecte ?

L’actualité a permis de libérer la parole des victimes de harcèlement sexuel et de mettre en lumière à quel point il reste répandu. Elle a permis de rappeler que les injustices n’ont pas à être pérennes et que ce qui était toléré n’a pas à l’être indéfiniment.

Mais face à ces histoires percutantes, il n’est pas toujours facile de faire le lien avec notre quotidien, notre entourage et notre vécu…

Arrive-t-on toujours à voir et à reconnaître le harcèlement sexuel lorsque l’on y est confronté soi-même ? Le harcèlement est-il toujours conscient d’ailleurs ?

La banalisation de certains comportements nous permet-elle de pouvoir facilement les remettre en question ?

Ce qui me frappe, lorsque le sujet est abordé dans les discussions c’est le côté défensif qui ressurgit…

 

Pas besoin de compétences pour une femme ?

Quelques mois avant l’affaire Weinstein, je discutais avec deux hommes des discriminations auxquelles les femmes étaient confrontées dans la sphère professionnelle, notamment en ce qui concerne l’accès aux postes à responsabilités, et l’un des deux m’a interrompu pour souligner le fait, qu’au contraire « il était plus facile pour une femme d’avoir une promotion : il connaissait beaucoup de femmes qui avait couché pour en avoir une, alors qu’un homme n’avait pas cette possibilité…« .

On pourrait croire qu’il s’agissait d’une provocation de la part de mon interlocuteur tellement cela semble gros, mais non, il me l’a sortie à l’époque avec nonchalance, comme s’il rappelait que la terre tourne autour du soleil.

Et je suis restée un peu sans voix en fait, face à cette affirmation si révélatrice… J’ai à peine pu protester sur le fait que ce n’était pas parce qu’une femme était suspectée d’avoir « vendue » ses « faveurs » sexuelles qu’elle l’avait fait, pour commencer. C’est en effet la première chose qui m’est venue à l’esprit tellement j’ai pu constater de fois où une femme avait pu être accusée de cette « prostitution déguisée », sans que cela soit vrai.

 

Promotion canapé : on ne s’interroge pas ?

Ce qui ressort aussi surtout c’est la suspicion qui s’instaure face à une femme qui réussit, comme si une femme ne pouvait pas réussir uniquement grâce à ses compétences, mais le plus révoltant à mes yeux dans cette affirmation, c’est que c’est la femme qui est remise en question, et non son supérieur qui aurait abusé de sa position pour obtenir des faveurs personnelles.

S’il s’était agit d’argent, on appellerait ça un pot de vin, de la corruption. Mais s’il s’agit de sexe, alors ça passe, surtout s’il n’y a pas de plainte officielle. Et on ne remet pas en question les compétences professionnelles du supérieur qui défend ses intérêts propres au lieu de faire le boulot pour lequel il a été employé, c’est-à-dire défendre les intérêts de la boite en octroyant des promotions qu’en fonction du travail accompli ?

Mais la encore, lorsque j’aborde le sujet, on me répondra : « Ah mais si la femme accepte elle est aussi fautive que l’homme… » Et on fait abstraction de la relation de pouvoir sur l’autre, du rapport de force économique ?

On m’a même sortie : « Ah j’ai connu des femmes qui se vantaient de pouvoir utiliser leurs charmes pour obtenir ce qu’elles voulaient… ». Des charmeuses qui en joueront, oui elles existent, tout autant que des charmeurs. Mais a-t-on besoin de coucher avec quelqu’un pour le charmer et l’influencer ?

Si une personne se retrouve à « accepter » que son corps soit exploitée « pour réussir », n’y a-t-il pas un malaise plus profond ?

 

Réagir face au désir affiché de son supérieur ?

Et que faire lorsque son supérieur exprime ouvertement son désir pour vous ? Lorsqu’il fait en sorte de créer l’illusion qu’il a réussi à coucher avec vous auprès des autres, pour vous déstabiliser ou « afficher sa réussite » auprès des autres ? Rentrer dans une justification ? L’ignorer et voir la bulle grossir, vos collègues s’imaginer que vous obtenez des faveurs ?

À mes yeux, le harcèlement sexuel, c’est ça aussi : la suspicion qui pèse sur les femmes qui réussissent, ainsi que celle qui les rend « coupables » d’être désirées par un supérieur, qu’elles cèdent ou pas à ses avances.

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